Janvier 2014 /230

Imagerie médicale

Orthanc, un logiciel libre

ImagerieMedicaleConnaissez-vous Orthanc ? Non pas la tour du sorcier Saroumane que décrit Tolkien dans Le Seigneur des anneaux, mais le logiciel open source développé par le département de physique médicale du CHU de Liège… Actuellement intégré à la routine clinique de l’hôpital, ce programme répond à de nombreux besoins médicaux rencontrés sur le terrain. Pour Sébastien Jodogne, docteur en sciences informatiques au CHU, la référence au célèbre auteur anglais s’est imposée d’elle-même : « Dans la tour qu’évoque Tolkien se trouve un palantír, une pierre magique qui permet une vision à distance, tout comme notre projet en imagerie médicale. »

En explosion

Le développement d’Orthanc part d’un double constat. Le premier : tous les hôpitaux sont tributaires des fabricants d’imagerie médicale* qui proposent des solutions intégrées pour autant que l’on reste dans leur écosystème. « Dès que l’on fait des échanges entre plusieurs hôpitaux, des difficultés d’interopérabilité se font immédiatement sentir car, en milieu hospitalier, contrairement à ce que l’on imagine, il n’est pas toujours simple de faire voyager une image d’un point A à un point B », explique Sébastien Jodogne. Le second constat est dressé par l’Organisation mondiale de la santé qui, en parallèle avec l’augmentation de l’espérance de vie, prévoit en Belgique une augmentation de 32% du nombre de cancers dans les 20 prochaines années. Or, l’imagerie médicale est primordiale tant pour le diagnostic que pour la prise en charge thérapeutique des cancers. De facto, le volume des images médicales traitées par les hôpitaux est déjà en pleine explosion.

JodogneSebastienAujourd’hui, l’imagerie médicale, toujours plus précise et de plus en plus souvent en trois, voire en quatre dimensions, nécessite des capacités de stockage importantes : on parle en méga-octets. Les risques d’erreurs liés à la manipulation manuelle de cette multitude de fichiers volumineux ne sont pas négligeables. Une gestion transversale s’impose. C’est ici qu’intervient Orthanc…

Orthanc est un logiciel dont le code-source peut être téléchargé et utilisé librement par des chercheurs ou par les responsables du réseau informatique d’un hôpital. « Il convient de souligner l’approche académique, ouverte et collaborative qui a été privilégiée pour ce développement de qualité industrielle réalisé dans les murs d’un hôpital universitaire », insiste Sébastien Jodogne. En effet, les logiciels propriétaires existants se caractérisent souvent par un coût élevé, par des besoins de matériel spécifique et/ou par une complexité d’administration.

Grâce à Orthanc, les hôpitaux peuvent optimiser l’interconnexion entre équipements d’un même service ou entre plusieurs services médicaux. « Tout système d’imagerie médicale peut se connecter à Orthanc pour envoyer ou recevoir des images, selon le standard dicom (qui est à la médecine ce que le “jpeg” est au graphisme) », poursuit le chercheur. Le personnel médical peut également consulter et manipuler les images à distance, « y compris depuis un simple PC », en se connectant à l’interface web du logiciel. Inversement, cette interface web peut être utilisée pour importer le contenu d’un CD envoyé par une autre institution hospitalière.

Mieux encore, Orthanc est un logiciel versatile qui peut être piloté par d’autres outils informatiques, ce qui permet d’automatiser les flux d’imagerie médicale. Par exemple, Orthanc est actuellement utilisé pour automatiser le processus d’anonymisation d’images qui sont envoyées à des firmes extérieures dans le cadre d’études cliniques en radiologie.

Une innovation sociale et durable

« Notre logiciel se base sur des besoins clairement identifiés, tant en routine clinique qu’en recherche médicale et préclinique », complète Sébastien Jodogne. Orthanc contribue à conférer une meilleure indépendance technologique aux hôpitaux et permet d’éviter un recours encore trop systématique à des gravures de CD. « J’aime imaginer que ce produit ouvert pourra être utilisé dans les pays en voie de développement ou au sein d’unités qui fonctionnent avec des budgets limités », conclut-il.

* L’imagerie médicale regroupe l’ensemble des techniques qui permettent d’acquérir des images du corps humain, la plus ancienne étant la radiographie. La tomodensitométrie (le scanner), capitale pour la radiothérapie, est une extension de la radiographie qui permet de visualiser le corps humain en trois, voire en quatre dimensions. L’échographie, qui exploite quant à elle les ultrasons selon le principe du sonar, est utilisée notamment lors de la surveillance des grossesses.
Il est également possible de réaliser des images du corps humain en administrant au patient un traceur radioactif dont la désintégration peut ensuite être observée : on parle alors de scintigraphie ou de tomographie par émission de positons (PET-scan). Citons enfin l’imagerie par résonance magnétique (IRM) qui permet d’obtenir des images en deux ou trois dimensions grâce à l’utilisation d’un champ magnétique puissant et stable produit par un aimant supraconducteur.

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Sébastien Jodogne participera à la rencontre Liège Creative sur “Le logiciel libre au service de l’imagerie médicale”, le 21 mars à 12h au château de Colonster.

Contacts : inscriptions, tél. 04.349.85.08, courriel info@liegecreative.be, site www.liegecreative.be

Pierre Demoitié
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